Au commencement il y a un livre, l’idée d’un livre avant même qu’en soit trouvée la langue. Il y a l’image impérieuse de ce nord-là pour s’orienter. Ce nord, un livre, aimante celle qui cherche, à pas lents, souvent douloureux, sa langue. Au commencement. L’entête. Le livre en tête. Alors il faut apprendre et renoncer, se vider la tête des clichés, creuser sous les images, sous les représentations pour accéder à la langue. La sienne. Il faut se débarrasser des tournures d’emprunt et des verbes dictés qui ne servent que l’illusion de pouvoir plier un jour sur le lendemain. Alors il faut se brûler au risque d’écrire, quitter la langue de circulation qui nous encombre tous, il faut arracher sa propre voix à l’enlisement dans les lieux communs afin de bâtir son lieu. Ce livre-là est né de ce courage, de cet arrachement, de ce beau risque en quête d’une langue singulière avec musique qui n’appartient qu’à son auteur. Il aura fallu prendre le temps du seuil avant de traverser la passerelle au-dessus du vide.