Dans la continuité de la conférence régionale de l’association International Study Association on Teachers and Teaching – ISATT, qui s’est tenue à l’Université de Bordeaux en octobre 2022, centrée sur les notions d’éthique, de diversité et d’inclusion à l’école et en dehors de l’école, ce dossier spécial s’attache à porter particulièrement l’attention sur l’activité des praticiens pour caractériser, à travers les représentations, les identités et les logiques professionnelles, ce que qualifie l’éducation inclusive.
Pour les enseignants, l’évolution vers l’éducation inclusive conduit à une position de questionnement continu de la normativité de leur environnement professionnel et de leurs propres représentations des élèves. Cette démarche ne se limite pas à la construction de « bonnes pratiques » individuelles d’analyse objective de la diversité des besoins des élèves, mais s’inscrit dans un mouvement de construction d’une nouvelle identité professionnelle, au sein d’une institution et de collectifs de travail. Elle implique à la fois la prise en compte des écarts entre les représentations des professionnels impliqués, qui peuvent être des facteurs d’incompréhension et de conflit, mais aussi une orientation du regard vers soi-même, une exploration de l’activité intra-psychique mobilisée par l’action inclusive. S’agissant des représentations, si les recherches portant sur l’organisation et le fonctionnement de l’école inclusive sont fréquentes, celles « qui pointent le lien parfois insidieux entre pensées/impensés (au sujet d’autrui, au sujet de soi face à autrui), façons d’être et actions (…), le sont moins » (Barry, 2021, p. 61) ; la dimension inclusive de la pédagogie des enseignants est peu étudiée de ce point de vue.
S’agissant du cadre normatif qui enserre les représentations des praticiens de l’enseignement et qui peut influer sur la construction de leur identité professionnelle inclusive au cours de la formation, Charles Gardou estime que « ce n’est qu’au prix d’un décentrement de l’axe de nos conceptions et de nos pratiques que nous parviendrons à déstabiliser l’ordre géométrique de notre univers normatif et de ses canons rhétoriques » (Gardou, 2011, p. 19). Ce propos éclairant ouvre la voie à un processus de dénormalisation qui nécessite, selon Bergeron, Rousseau et Leclerc « une certaine rupture » avec des pratiques enseignantes traditionnelles (2012, p. 94).